Sagesse de Rilke

  • Il n’est qu’un seul chemin. Entrez en vous-même.
  • Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses.
  • Vous ne pourriez plus violemment troubler votre évolution qu’en dirigeant votre regard au dehors, qu’en attendant du dehors des réponses que seul votre sentiment le plus intime, à l’heure.
  • Vous irez, comme dans un rêve, d’étonnement en étonnement.
  • Eussiez-vous même tort, le développement naturel de votre vie intérieure vous conduira lentement, avec le temps, à un autre état de connaissance.
  • Porter jusqu’au terme, puis enfanter : tout est là. Il faut que vous laissiez chaque impression, chaque germe de sentiment, mûrir en vous, dans l’obscur, dans l’inexprimable, dans l’inconscient, ces régions fermés à l’entendement. Attendez avec humilité et patience l’heure de la naissance d’une nouvelle clarté.
  • Croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l’été puisse ne pas venir. L’été vient.
  • Si vous étendez votre amour à tout ce qui est, si très humblement vous cherchez à gagner en serviteur la confiance de ce qui semble misérable, – alors tout vous deviendra plus facile, vous semblera plus harmonieux et, pour ainsi dire, plus conciliant.
  • Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes.
  • Et il s’agit précisément de tout vivre.
  • Confiez-vous à ce qui vient. Quand ce qui vient sort d’un appel de votre être, d’une indigence quelconque, prenez-le à votre compte, ne le haïssez pas.
  • Ne vous laissez pas tromper par les apparences. Dans le profond tout est loi.
  • Aimez votre solitude.
  • Que serait une solitude qui ne serait pas une grande solitude ? La solitude est une : elle est par essence grande et lourde à porter.
  • Vos événements intérieurs méritent tout votre amour.
  • L’homme de solitude est lui-même une chose soumise aux lois profondes de la vie.
  • L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé.
  • Plus nous sommes silencieux, patients et recueillis dans nos tristesses, plus l’inconnu pénètre efficacement en nous.
  • L’avenir est fixe, c’est nous qui sommes toujours en mouvement dans l’espace infini.
  • Au fond, le seul courage qui nous est demandé est de faire face à l’étrange, au merveilleux, à l’inexplicable que nous rencontrons.
  • Nous avons été placés dans la vie comme dans l’élément qui nous convient le mieux.
  • Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions.
  • Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie souffrances, inquiétudes, pesantes mélancolies, dont vous ignorez l’œuvre en vous ?
  • Tant de choses se font en vous en ce moment ! Soyez patient comme un malade, et confiant comme un convalescent.
  • Ne vous observez pas trop. Gardez-vous de tirer de ce qui se passe en vous des conclusions hâtives. Laissez-vous faire tout simplement.
  • Confiez-vous toujours davantage à tout ce qui est difficile et à votre solitude. Pour le reste, laissez faire la vie. Croyez-moi, la vie a toujours raison.

Raine Maria Rilke. Lettres à un jeune poète. Les cahiers rouges. Grasset. 1989