Srinivasan. Se déséduquer

L’enfant naît démuni et prend tout de son environnement. Il s’imprègne des idées, des émotions, des pensées, des actions de son entourage. Vu son inexpérience et sa dépendance, ceci est parfaitement justifié et même indispensable à ce stade. Mais la plupart d’entre nous continuons à faire de même, après être devenus adultes. Nos pensées sont des « citations », nos émotions des « imitations ». Nous ne sommes jamais nous-mêmes, ne dépendant que de nous-mêmes. Nous absorbons les idées, les opinions, les préjugés, les attirances et les répulsions, les ambiances et les comportements qui se trouvent dans notre entourage sans les examiner, sans les vérifier. Il s’ensuit que nous devons d’abord nous défaire de tous les oui dires, préjugés, superstitions, attirances, répulsions, traditions, croyances, etc. pour commencer une nouvelle vie.

Etre le disciple de quelqu’un, ce n’est pas l’imiter. Les singes singent. L’imitation n’est pas digne d’un être humain. Un enfant peut imiter, mais pas un adulte. Il doit examiner, voir ce qui est favorable et rejeter ce qui ne l’est pas. Il doit devenir conscient de chacune de ses pensées, de chacune de ses émotions, de chacune de ses actions. Il faut tout tester, et vérifier si c’est compatible avec la raison. Ainsi on devient capable de penser par soi-même et d’agir selon ce que l’on est. Il faut tout remettre en questions, les grandes comme les petites choses. Le premier pas consiste à se défaire de toutes les pensées, émotions et actions qui viennent de l’extérieur.

Examiner chaque élément de votre prétendu savoir. L’avez-vous trouvé dans votre entourage sans l’examiner ? Alors, examinez le maintenant et gardez le seulement s’il s’avère fondé. Est-ce une tradition qui vient de vos parents ? Vérifiez si elle repose sur une raison valable. Sinon, abandonnez-la. Est-ce une superstition ? Ne la tolérez plus. Est-ce un oui dire ? Examinez-le attentivement. Est-ce parce que vous avez toujours agi ainsi ? Alors vérifiez si c’est la meilleure méthode, sinon changez-la.

Enlevez toutes ces toiles d’araignées et nettoyez votre maison. Aussi prenez comme référence tout ce qui vous apparaît raisonnable et rejetez ce qui est contraire à votre expérience et à votre connaissance. Ne suivez rien aveuglément.

Si on rejette tout ce que l’on a patiemment construit pendant des années, il ne reste rien et on se sent comme un naufragé. On peut se trouver complètement perdu par le vide tout autour. Mais il ne faut rien abandonner dans la désolation. Il faut hardiment repartir sur des bases neuves et reconstruire sa personnalité, pierre par pierre, sur des évidences solides et irréfutables. Il faut avoir confiance en soi, confiance dans le fait que l’on peut connaître la vérité directement et procéder avec énergie et détermination. Il faut calmement examiner ce qui est. Comment établir la différence entre ce que l’on connaît et ce que l’on croit ? Mettez de côté tout ce que vous n’avez pas examiné. Alors, avec le noyau des idées, des émotions et des actions qui restent, vous pouvez commencer à construire petit à petit une superstructure en rajoutant seulement ce qui vient de l’expérience et de la connaissance directe, et en rejetant ce qui n’est pas fondé. Il faut examiner chaque nouvelle idée qui se présente, la questionner longuement et l’accepter seulement si elle s’avère vraie. C’est cela la ré-éducation. Se déséduquer d’abord pour se ré-éduquer ensuite. Vous ne pouvez rien bâtir sur l’ancienne structure.

Alors, sur cette fondation solide vous pouvez construire à nouveau. Utilisez seulement les pierres taillées par le burin de l’expérience et de la connaissance. Elles doivent passer le test de la résistance et de la stabilité. Elles doivent être faites de vérité, elles doivent être apportées par l’expérience directe des sens, venir des carrières de la raison, complétées par celles qui viennent des jugements de l’intuition. Une telle citadelle construite sur des fondations aussi solides, dures, résiste au temps et fait rayonner la connaissance et le bonheur autour de vous.

Savoir c’est pouvoir ! C’est l’action qui détermine si la connaissance est certaine

Srinivasan. Entretiens avec Svami Prajnanpad. Accarias L’originel. 2001