Valéry. Vivre, je respire

C’est un état suprême, où tout se résume en vivre, et qui refuse d’un sourire qui me vient, toutes les questions et toutes les réponses… VIVRE… Je ressens, je respire mon chef d’œuvre. Je nais de chaque instant pour chaque instant. VIVRE ! JE RESPIRE. N’est-ce pas tout ?
JE RESPIRE. J’ouvre profondément chaque fois, toujours pour la première fois, ces ailes intérieures qui battent le temps vrai. Elles portent celui qui est, de celui qui fut à celui qui va être. JE SUIS, n’est-ce pas extraordinaire ?
Se soutenir au-dessus de la mort comme une pierre se soutiendrait dans l’espace ?
Cela est incroyable. JE RESPIRE, et rien de plus. Le parfum impérieux de mes fleurs veut que je respire et l’odeur de la terre fraîche vient en moi surgir, toujours plus désirée, toujours plus désirable, sur les puissances de mon souffle.
JE RESPIRE ; et rien de plus, car il n’y a rien de plus. (…)
Voir suffit, et savoir que l’on voit. C’est là toute une science.

Paul Valéry. Mon Faust. Folio. 1988