Le royaume invisible

Nulle part

Il existe un lieu
Plus réel qu’ici
C’est : nulle part.

Du fond des pays de mémoire
Une joie sans borne
Ouvre ses espaces,

Pays de l’abandon
Vastes comme l’amour, élevés
Comme le cœur désire.

Lointains, lointains
Et aussi immenses que l’absence
Ces bois et ces prairies,

Aussi interminables qu’un départ
Ses fleuves coulent
Hors de portée de l’espérance.

Royaumes d’autre part
Dont le temps est : jadis
Dont le lieu est : au loin.

Dans des jardins d’il y a bien longtemps
Ces chants d’oiseau
Parlent de nos amours

Qui ne furent jamais,
Et pourtant – profonds comme la vie,
Et pourtant – tout ce que nous sommes.

Kathleen Raine. Le Royaume invisible. Orphée La Différence. 1991