Prière d’Hölderlin

Et quand dans la nuit sainte
songeant à l’avenir, nous nous inquiétons
pour ceux qui dorment sans inquiétude,
les frais enfants en fleurs,
tu viens souriante nous demander de quoi
on peut avoir peur, puisque tu es reine…

Car jamais tu n’as jalousé
les vies naissantes,
et tu aimas de tout temps
que les fils fussent plus grands que leur mère.
Et jamais tu ne t’es plue à voir l’aîné, regardant en arrière,
railler le plus jeune.

Protège-les donc,
Reine du ciel,
ces jeunes plantes, et quand viendra
l’aquilon ou la rosée mortelle…

Ces temps stériles n’ont que trop duré.
Et puisqu’ils tombent en abondante moisson fleurie
sous la faux trop acérée,
oh ! donne-nous une moisson nouvelle.

Friedrich Hölderlin. Poèmes. Aubier-Montaigne. 1943