Brosse. Naturaliste zen

Ici, en cet instant, je me tiens droit, en équilibre, dans l’axe autour duquel s’enroule, mais à distance, l’incandescent, l’incessant tourbillon des passions. L’axe est colonne vertébrale, centre du mouvement de la terre, des planètes, des plus lointaines constellations, qui la fait vibrer. En cet instant, je suis seul, mais avec l’univers entier. L’esprit a cessé de chercher à écarter les illusions et à trouver la vérité. Seul, le silence du dedans permet d’entendre le son primordial, la musique des sphères. La lumière que l’œil perçoit serait-elle déjà celle, incolore, puisque toutes les couleurs y sont contenues, de la conscience pure, dématérialisée, illimitée ? De très loin, l’œil divin examine le corps immobile auquel il n’appartient plus, le corps tel qu’il fut conçu, avant même son incarnation, laquelle redevient ce qu’elle fut, une éventualité que l’on a désirée et redoutée, que l’on peut encore accepter ou refuser, corps qui n’existe pas encore ou déjà plus, sauf en un mode subtil, reposant ici et maintenant en sa béatitude. Je me lève, je me couche, je m’endors d’un profond sommeil sans rêve.

Jacques Brosse. Itinéraire d’un naturaliste zen. Pocket. 2012