De Souzenelle. Quand on souffre

Quand on souffre, on souffre, un point c’est tout ! Et on souffre comme une bête dans un premier temps, on est mis à terre, on expire. Comment va se faire l’inspir suivant ? Voilà ce que je voulais exprimer en parlant d’intégration de la souffrance : elle est l’ennemie quand elle s’abat sur nous et nous écrase, mais elle peut devenir l’amie si l’on se met à l’écoute de son langage. Ce que nous appelons « le Mal » n’est pas pour autant devenu « le Bien », mais l’on comprend alors qu’il peut luis aussi se révéler porteur de sens, que tout peut être reconsidéré dans un processus transformateur, à partir du moment où l’Homme décide de se mettre en marche vers son accomplissement intérieur.

La question n’est pas de passer trop de temps dans l’introspection, dans la recherche exclusivement mentale de ce sens – ce qui pourrait conduire à une culpabilisation stérile, à une impasse. Il s’agit plutôt de s’abandonner en Dieu à la finalité du processus. Alors on découvre au milieu de nos ténèbres un chemin, notre chemin ; il part du noyau de l’être, du germe divin qui nous habite ; on découvre que ce germe est organisateur, porteur d’une puissance syntropique – pour reprendre un terme employé par les physiciens, qui désigne l’inverse de l’entropie, de la loi de dégradation progressive de tout équilibre et de toute chose. Et ce germe englobe tout, intègre toutes les expériences de la vie, y compris les plus négatives, pour nous conduire à un ordre créateur, pour faire de nous les co-créateurs de nous-mêmes. C’est cela « faire le sacré », étymologie du mot « sacrifice ». Celui-ci a perdu son sens. Mais si, à partir de la souffrance, nous construisons le sacré, c’est le chemin de la lumière.

Annick de Souzenelle. La Parole au cœur du corps. Albin Michel. 1997