Kamo no Chômei. Notes de ma cabane
Depuis que j’ai quitté ce monde, et que j’ai choisi la voie du renoncement, je me sens libre de toute haine comme de toute crainte. J’abandonne ma vie au destin, je ne désire ni vivre longtemps, ni mourir vite. J’assimile ma vie à un nuage inconsistant, je n’y accroche pas mon espoir et n’éprouve pas non plus de regret. Pour moi le plaisir suprême est celui que j’éprouve sur l’oreiller d’une sieste paisible, et l’ambition de toute ma vie est de pouvoir, selon les saisons, contempler un beau paysage.
Le monde entier n’est, en somme, que la conscience que nous en avons. Si le cœur n’est pas en paix, les plus belles écuries ou étables, les trésors les plus rares ne signifient rien, no les palais ni les riches demeures ne sont désirables. En ce moment j’aime ma pauvre demeure, l’unique chambre de mon ermitage. Quand je dois me rendre à la capitale j’éprouve l’humiliation de n’être qu’un moine mendiant, mais une fois rentré chez moi, je plains tous ceux qui sont esclaves des choses terrestres.
Si quelqu’un doutait de ce que je dis ici, qu’il contemple l’allure des oiseaux et des poissons. Les poissons ne s’ennuient jamais d’être dans l’eau. Il faudrait être poisson pour comprendre ce sentiment. Les oiseaux ne demandent qu’à vivre dans les bois. Il n’y a que les oiseaux pour comprendre cela. Il en est de même des joies de la solitude ; on ne peut l’apprécier qu’en la vivant.
Kamo no Chômei. Notes de ma cabane de moine. Le Bruit du temps. 2010
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