Gide. Les nourritures terrestres
Je voudrais m’adresser à toi plus intimement que ne l’a fait encore un autre. Je voudrais arriver à cette heure de la nuit où tu auras successivement ouvert puis fermé bien des livres cherchant dans chacun d’eux plus qu’il ne t’avait encore révélé ; où tu attends encore ; où ta ferveur va devenir tristesse, de ne pas se sentir soutenue. Je n’écris que pour toi ; je ne t’écris que pour ces heures. Je voudrais écrire tel livre d’où toute pensée, toute émotion personnelle te semblât absente, où tu croirais ne voir que la projection de ta propre ferveur. Je voudrais m’approcher de toi et que tu m’aimes.
André Gide. Les nourritures terrestres. Folio. 1977
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