De l’autre côté du miroir

La plus grande réalisation de notre désir d’être ne serait-elle pas de nous affranchir de la souffrance que nous nous infligeons à nous-mêmes dès l’instant qu’est jeté aux oubliettes un bouc émissaire extérieur et providentiel ?
Car il n’y a personne d’autres que soi qui souffre à notre place. C’est donc une affaire personnelle. Et avant que ce qui nous arrive nous blesse, il a bien fallu qu’intercède un « Juge » intérieur pour soi-disant distinguer la victime, le coupable et le bourreau.
Il nous appartient donc, dans la mesure où nous voulons sortir de « cet enfer, c’est moi », de déshabiller les croyances de nos perceptions sans perdre de vue que notre « egosystème » est à la fois un bouclier et un protecteur.

Tout se fait en douceur pour celui qui est doux avec lui-même.

En ces temps qu’on dit de guerres, vieilles recettes du mental à trouver un coupable extérieur donc, la force de notre intelligence n’est-elle pas de comprendre notre ambivalence à la fois d’aimer et de haïr ? L’ego, qui tire plus vite que son ombre a déjà dégainé : « Je m’aime et je hais tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi » ou « J’aime cela et je hais tous ceux qui n’aiment pas cela ». A chacun de décliner sa version. L’ego se veut subtil mais il ne pratique que le langage binaire.
Ne soyons plus con-formistes, con-ditionnés, con-partimentés.
Si nous sommes en vie … c’est pour vivre ! Et il ne peut y avoir de vie sans envie et de mort sans renaissance.

Face à notre infantilisme latent qui consiste à se refugier derrière un guide (quelque soit sa forme : spirituelle, politique, philosophique) ou une religion (quelque soit son fond : le salut, la vie éternelle, le paradis post-mortem) dans le but évident de vouloir être sauvé en se déresponsabilisant, il est temps de voir que notre démission ne peut rimer qu’avec insatisfaction.
Le roi est nu, reprenons les rennes !
Mais que puis-je à mon échelle ?
Surtout ne pas me mettre des barreaux dans les roues.

En ces temps de Pentecôte qui voit la descente de l’Esprit sur nous… sachons l’accueillir.
Mais cela ne sera possible que si nous sommes capables d’ouvrir notre cœur. Et le plus grand pas de l’homme à la découverte de lui-même n’est pas d’avoir posé le pied sur la lune mais bien de se déverrouiller intérieurement, processus que seul un travail de conscience pourra permettre. Et ce ne sera possible qu’avec notre consentement à reconnaître que nous sommes notre propre geôlier. Tant que nous accuserons les autres, la vie, le passé, certes, nous serons apparemment confortables dans notre demeure …  mais ce sera la dernière.
Alors « Qui suis-je ? », « Qu’est-ce que moi ? », « Qu’est-ce que je veux ? »
Ritournelle  vieille comme le monde.

Et toi, que veux-tu pour toi même ?

Aussi vais-je me tenir silencieux, ouvert à ce qui me dépasse et m’inclut, faisant désespérément confiance que je n’irai pas ailleurs que là où je dois être.
C’est un choix individuel pour soi et pour le Soi. Qu’importe que nous soyons seuls ou des millions à choisir un camp plus qu’un autre.
Moi j’ai choisi le camp qui me fait grandir. Et  c’est peut être cela la véritable spiritualité, ne plus croire à ma toute puissance en me pensant être l’auteur du Tout mais tenter de participer, à ma mesure, au monde comme il va.

Je souhaite que ce nouveau mode de vie m’amène à découvrir mon espace intérieur que je partage avec l’espace intérieur de chacun. Nous nous croyons différents pourtant nos buts sont communs : être heureux. L’opportunité de ce qui arrive est sûrement de revenir à l’essentiel : je ne suis qu’un passant dans l’espace, un danseur divin, qui sait ?

Vivre heureux et en paix ne pourra s’atteindre qu’à la condition d’accueillir nos contradictions, d’éprouver nos émotions et de se sentir ouvert, vulnérable et disponible.
Car la vie est de croître.

Souvenons nous qu’il n’y a personne d’autres à convaincre que soi-même.
Quelque soit la société humaine dans laquelle nous vivrons, et à laquelle, volontairement ou passivement, nous contribuerons, je fais le vœu que notre humanisme dans ses valeurs d’honnêteté, de bienveillance et de réflexions devienne l’armature qui nous conduise, sains et saufs vers cet amour qui nous inclut et nous dépasse.
A chacun de suivre sa voie que je souhaite éveillante comme celle du Bouddha qui a pris le risque de sortir du giron de son palais.

N’a-t-il pas bien fait ?

Patrick Giles