Chant

Toujours chère me fut cette colline
           déserte,
Et cette forêt qui de maints côtés
Ferme au regard l’ultime horizon.
Assis, je contemple, au-delà,
de souverains silences.
Dans cette paix profonde,
j’abîme ma pensée,
Et peu s’en faut que mon cœur ne
s’affole, et comme j’entends
Le vent bruire parmi les arbres,
je compare
L’infini silence à cette voix, et me
souviens de l’          Éternité,
Et des saisons mortes, et de la saison
présente et vivante
Dans cette rumeur du vent ;
ainsi, ma pensée
Se noie dans cette immensité
Et il m’est doux de naufrager
dans cette mer.

Giacomo Léopardi. Canti, œuvres morales, Poésie Gallimard, 1982