C’est en cheminant que l’on devient pèlerin
« Je ne cherchai pas à connaître les réponses, mais à comprendre les questions ».
Confucius
Nos vies semblent évoluer en parallèle les unes des autres c’est-à-dire sans croisements ni rencontres. Tout est prérégler depuis la naissance et même avant dans ce que nous étions du projet de nos parents. La vie s’écoule et nous coule parce que nous sommes absents de nous-mêmes et avons abandonné cette vie donnée.
Car qui s’interroge aujourd’hui sur ce qu’il est et sur ce qu’il fait ?
Nous laissant duper par le milieu social ambiant auquel il faudrait se conformer sous peine d’isolement, ma vie suit son cours dans le lit tracé d’une bienpensance générale.
A la clé de mon adhésion donc de mon aveuglement, la béatitude promise. Et cette vie copiée, à la ressemblance de celle des autres, me réconforte jusqu’à ce que je regarde sur quoi repose vraiment mes pieds.
Car la forteresse du « moi » est vide. Ce n’est qu’une construction égocentrique parmi d’autres, nécessaire pour exister, inutile pour être.
Tant que je privilégierai mon histoire, mes désirs, mes croyances, mon image, mes relations, mon métier, mon idéal, mes pensées ; tant que je ne m’assouvirai qu’avec de l’accumulation, des possessions, de l’avoir et de la domination, je m’exclurai de la Vie et du vivant.
Le chemin qui conduit à la rose est bordé d’épines. On ne peut respirer son parfum qu’avec une odeur de sang.
Dépassant, jeune enfant, le stade du miroir qui m’a fait découvrir la distinction entre moi et les autres, puis-je me percevoir dans ce même miroir, des années plus tard, et m’observer sans honte ni culpabilité. C’est le test crucial d’un examen de conscience qui se passe avec soi-même, là où il n’y a plus personne ni à séduire ni à soudoyer.
Que suis-je à mon propre examen de conscience se référant à moi-même ?
Dans ce monde où les trajectoires individuelles s’interpénètrent donc peu, où les relations interhumaines sont filtrées d’après mes goûts et les profits escomptés ; dans la géométrie tentaculaire de mes actes où je soupèse mon existence en bénéfices et risques, où tout est calcul de probabilités, pendant que des algorithmes me canalisent sans le savoir et me dépossède de mon libre arbitre, je survis.
Il était une fois la case de l’oncle « homme » !
Pourtant il est des chemins de traverses plus libérateurs que des chemins spirituels plus formatés. Car s’il y avait un mode d’emploi pour être libres donc heureux et en paix, il y aurait davantage de lumières de par le monde. Mais si la méthode fait défaut, le processus, lui, l’introspection qui met en marche, a quelques points communs préalables à tout mouvement d’émancipation. Je veux parler de l’intention.
Il y a toujours un élément déclencheur, un traumatisme, un évènement, une révélation, une rencontre, une prise de conscience… Quelque chose qui me laisse supposer une amélioration d’abord et un détachement probable ensuite.
Je ne peux réécrire mon histoire personnelle mais il m’est possible de la réinterpréter en regard du réel de ce qui a eu lieu et non plus avec ce que je lui ai surajouté, enfoui ou dénié. Il me restera alors le choix d’aller soit vers davantage de misérabilisme d’ego, soit vers plus de compassion et de compréhension.
Il ne s’agit plus d’être plaintif mais contemplatif de son existence passée et présente sans plus de ressentiment ni de condamnation. Simplement voir sans évaluation, s’ouvrir sans avertissement, s’éveiller sans surveillance.
L’intention est la cible de mon corps arqué. Il n’y a plus rien à prouver surtout à soi-même. Le regard devant la glace est renouvelé, soulagé d’une moralité artificielle, débarrassé de ces certitudes accumulant des servitudes.
Seule l’expérience est régénératrice.
L’erreur est humaine (l’horreur aussi) tant qu’elle n’est pas corrigée. Autrement c’est une preuve d’ignorance entretenue par l’asservissement de la conscience au mental dont la seule récompense attendue est de souffrir.
L’espoir fait sans doute vivre mais seule la vérité fait renaître. Je ne peux parler que de ce que je suis et non plus dire ce que je pense. Le marécage intellectuel encage les flux de la marée mouvante. Le temps passe pendant que je trépasse. Tant de choses à dire en si peu de temps, en si peu de mots mais la tâche est à la mesure des possibles de chacun.
Au royaume de l’Absolu il n’y a pas de perdants, que des convives.
Patrick Giles
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