Entre centre et absence
C’était à l’aurore d’une convalescence, la mienne sans doute, qui sait ? qui sait ? brouillard ! brouillard ! on est si exposé, on est tout ce qu’il y a de plus exposé…
« Médicastres infâmes, me disais-je, vous écrasez en moi l’homme que je désaltère. »
C’était à la porte d’une longue angoisse, automne ! automne ! fatigue ! j’attendais du côté « vomir », j’attendais, j’entendais au loin ma caravane échelonnée, peinant vers moi, patinant, s’enlisant, sable ! sable !
C’était le soir, le soir de l’angoisse, le soir gagne, implacable halage. « Les grues, me disais-je, rêveur, les grues qui se réjouissent de voir au loin les phares… »
C’était à la fin de la guerre des membres. « Cette fois, me disais-je, je passerai, j’étais trop orgueilleux, mais cette fois je passerai, je passe… » Inouïe simplicité ! Comment ne t’avais-je pas devinée ?… Sans ruse, le poulet sort parfait d’un œuf anodin…
C’était pendant l’épaississement du Grand Écran. Je voyais ! « Se peut-il, me disais-je, se peut-il vraiment ainsi qu’on se survole ? »
C’était à l’arrivée, entre centre et absence, à l’Eurêka, dans le nid de bulles…
Henri Michaux, Plume précédé de Lointain intérieur, Paris, Gallimard, 1963
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