Meurs et deviens

Ne le dites à nul autre qu’au sage
Car la foule est prompte à l’insulte.
Je veux louer le vivant
Qui aspire à mourir dans la flamme.

Dans la fraîcheur des nuits d’amour
Où tu reçus la vie, où tu la donnas,
Te saisit un sentiment étrange
Quand luit le flambeau silencieux.

Tu ne restes plus enfermé
Dans l’ombre ténébreuse
Et un désir nouveau t’entraîne
Vers un plus haut hyménée.

Nulle distance ne te rebute,
Tu accours en volant, fasciné
Et enfin, amant de la lumière,
Te voilà, ô papillon consumé.

Et tant que tu n’as pas compris
Ce : « Meurs et deviens »
Tu n’es qu’un hôte obscur
Sur la terre ténébreuse.

Goethe, Poésies, Gallimard, 1984