Hillesum. Une vie bouleversée
Autrefois je croyais devoir produire un certain nombre de pensées profondes par jour ; aujourd’hui il m’arrive d’être une friche infertile, mais étendue sous un ciel vaste, haut et paisible. C’est mieux. Je me défie aujourd’hui de cette profusion de pensées jaillissantes, j’aime mieux être de temps en temps en friche et en attente. Il s’est passé énormément de choses en moi ces derniers jours, mais elles ont fini par se cristalliser autour d’une idée. Notre fin, notre fin probablement lamentable, qui se dessine d’ores et déjà dans les petites choses de la vie courante, je l’ai regardée en face et lui ai fait une place dans mon sentiment de la vie, sans qu’il s’en trouve amoindri pour autant. Je ne suis ni amère ni révoltée, j’ai triomphé de mon abattement, et j’ignore la résignation. Je continue à progresser de jour en jour sans plus d’entraves qu’autrefois, même en envisageant la perspective de notre anéantissement.
Etty Hillesum. Une vie bouleversée. Point Seuil. 1995
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