Miller. Je me suis réveillé
Pendant une fraction de seconde peut-être, je fus le siège d’une clairvoyance totale que l’épileptique, dit-on, est seul à connaître. A ce moment-là, je perdis complètement l’illusion du temps et de l’espace : le monde déroulait son drame simultanément le long d’un méridien sans axe. Dans cette espèce d’éternité en suspens, je sentis que tout était justifié, suprêmement justifié.
Ainsi donc, la certitude révélée qu’il n’y avait rien à espérer eut sur moi un effet salutaire. Pendant des semaines et des mois, pendant des années, en vérité toute ma vie, j’avais ardemment attendu que quelque chose arrivât, quelque événement extérieur qui changerait ma vie, et maintenant, subitement inspiré par l’absence totale d’espoir partout, je me sentis soulagé, comme si un lourd fardeau m’était enlevé des épaules.
Henry Miller. Tropique du cancer. Folio. 1972
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