Roussel. La légende

Dans son propre espace ouvert, il est la sentinelle inutile d’un grand mystère désenchanté. Il s’étonne d’être encore ainsi en alerte au bord du chemin par où ^lus personne ne vient et qui s’est arrêté soudain, fil cassé de toutes les promesses. Il regarde en arrière, là-bas dans le tournoiement des origines, cherchant peut-être une vieille bobine vide ou la seule page blanche d’un livre devenu illisible, mal recopié sans doute, comme si la vie n’avait jamais été qu’une enfant. Il peut rester longtemps immobile, sans conflit, jusqu’à ce que le ciel oublie sa présence et vienne se déshabiller dans ses yeux. Il accède alors à l’immense mais, plus nu que le ciel, il en revient au rien par la porte de derrière. Là-bas, le chemin s’efface encore un peu plus : que garderait-on pour la mémoire ?

Alain Roussel. La légende anonyme. Entre 4 yeux. 1990