Prière de Thich Nhat Hanh

Si tu me demandes combien j’en veux,
Je dirai que je veux tout.
Ce matin, toi et moi
Et tous les hommes
Sommes entraînés dans le courant merveilleux
De l’un.

Bribes d’imagination que nous sommes,
Nous avons fait un long chemin pour trouver par nous-mêmes
Et pour nous-mêmes, dans l’obscurité, l’illusion de l’émancipation.

Ce matin, mon frère revient de sa longue aventure,
Il s’agenouille devant l’autel,
Ses yeux pleins de larmes.
Son âme désire très fort un rivage pour y jeter l’ancre.
(Une envie que j’ai déjà connue).

Laissons-le ici se mettre à genoux et  pleurer.
Laissons-le crier son cœur.
Laissons-le ici trouver refuge pendant un millier d’années,
Assez pour sécher ses larmes.
Une nuit, je viendrai
Et mettrai le feu à son abri, la petite maison sur la colline.

Mon feu détruira tout
Et emportera l’unique chaloupe qui lui reste après un naufrage.

Dans l’angoisse extrême de son âme,
La coquille se brisera.
La lumière de la hutte en feu sera le témoin
De sa libération glorieuse.

Je l’attendrai
A côté de la petite maison en feu.
Des larmes couleront le long de mes joues.
Je serai là pour contempler son être nouveau.
Et alors que je tiendrai ses mains dans les miennes
Et lui demanderai combien il en veut,
Il sourira et me dira qu’il veut tout – tout comme  moi.

Thich Nhat Hanh. La plénitude de l’instant, Marabout, 1999