Sauver la désobéissance

La Joie vit à l’air libre. La Joie a besoin de respirer. Dans cette rue, la Joie mourra, est morte déjà, étouffée. La Joie est pour chacun dans sa chose unique, dans ce don de soi-même à soi-même que, malgré toute fraternité, nul ne reçoit d’autrui. Elle est pour chacun à cette merveilleuses place ingouvernée, insoumise à l’âme, où joue, à sa manière toute neuve, un petit enfant désobéissant, sans s’occuper de ce que font autour de lui les grandes personnes bien ordonnées qu’ont remontées et mises en marche une quantité d’ingénieurs et de contremaîtres – groupes, sociétés, syndicats – elles sont là toute ensemble à obéir dans cette rue, à travailler pareil, à coucher pareil, à gagner pareil, à penser, aimer, haïr, chanter, crier pareil, vêtues de couleurs pareilles.

Qui sauvera maintenant sa chose unique ?

Sauver la désobéissance…

Marie Noël. Notes intimes. Stock. 1984