Vesper

La nuit tombe et déjà s’efface la colline.
Seul devant le mystère où grouillent les dangers,
Seul dès l’aube, à midi, seul quand le jour décline,
Seul au milieu des siens, intimes étrangers,
Acteur inconscient on a joué son rôle,
Et mimé tour à tour, en bouffon solennel,
Le pitre et l’ingénu, le saint, et puis le drôle ;
Imposteur innocent, raisonnable et charnel,
Acclamant l’idéal et suivant la nature,
conciliant sans peine et ” Devoir ” et plaisir ;
Aveugle on a marché, sans guide, à l’aventure,
aux chemins imposés qu’on avait cru choisir.
Mais le vent s’est levé qui va tarir la sève ;
L’heure a sonné, la mort approche : ô vérité.
Va-t-on soudain pouvoir, s’éveillant d’un long rêve,
Entrer, vivant enfin, dans la réalité ?

Théodore Monod. Et si l’aventure humaine devait échouer. Folio. 2000