Sulivan. Consolation de la nuit
Je reste avec mes questions ? Nul ne saura jamais. Qu’est-ce qu’une mémoire sans lie ? Est-il possible de choisir les apparences de la mort par amour de la vie ? Existe-t-il le royaume où il n’y a plus de mots, ni réel, ni irréel ? Est-il vrai que traversé le vide des vanités, le monde est toujours là comme un système de signes légers qui donnent envie de chanter ?
Qu’à-t-elle connu de la vie, Clara, pour tenter de s’effacer de toute mémoire ? Qu’y a-t-il à connaître ? Il arrive qu’à dix-huit ans, ce peut être dans un poème, une mélodie, la page d’un auteur, tout vous soit donné dans un pressentiment inouï : la découverte de l’amour, le désert des passions, le va-et-vient du vouloir et quand cela arrive, éblouissement, blessures et guérisons, plus ou moins merveilleux que dans la prescience, plus ou moins désespéré, quand cela est passé déjà et qu’on se retourne pour contempler la route dans la vallée, on s’étonne, comme si cela avait été déjà vécu, autrement, mieux, et l’on se sent floué à la pensée qu’il aura fallu tant de flux et de reflux, d’agitations et de cris pour tendre de nouveau, plus démuni, à l’unité perdue…
Jean Sulivan. Consolation de la nuit. Gallimard. 1982
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