Du vent et de la pluie
C’est à la patience qu’on mesure l’amour. Un pas égal et sûr : c’est là l’allure de l’amour, qu’il chemine entre deux haies de jasmin, au bras d’une fille, ou seul, entre deux rangées de tombeaux. Patience… Car il faut que la prière soit jeûne avant d’être festin, et nudité du cœur avant d’être manteau de ciel bruissant de mondes… Tu chanteras humblement avec le livre des pauvres d’esprit. Et tu attendras… Quand l’amour et la douleur et la haine sont devenus fantômes où l’épée se noie comme dans l’eau et où la lèvre ne heurte plus que sa propre gerçure, comme dans la vapeur du verre, c’est alors que l’on parle à Dieu non plus de soi-même et de son misérable malheur, mais de l’homme, de l’écume, et du sable, et du vent et de la pluie.
Milosz
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