Ruga. Au temps des anges
Le vivant est spontanéité, jeu d’une création qui ne procède d’aucune origine, d’aucune fin, d’aucun devenir ; il se manifeste sans corrompre les résultats de son action, car celle-ci n’a pas de fin en soi et ne se limite à aucun objet. L’action réelle, non seulement magnifie, mais rend aussi témoignage de l’existant sans se soucier de poursuivre un but. L’acte s’intègre au sein d’une plénitude intérieure qui rejoint cette valeur inexprimable de notre enfance. C’est une action sans mobile qui nous délivre de l’illusion qu’octroie tout désir de conquête. Il n’y a rien à conquérir, et ce qui nous envahit comme une révélation n’est que le retour de quelque chose qui ne demande pas à être atteint, car nous comprenons qu’il nous avait toujours habités. Nous nous éveillons à lui, nous savons qu’il existe en nous, et si rien ne nous permet de la situer, nous le savons cependant présent au cœur de la création ; et ainsi, d’autant plus au cœur de tous les hommes, même si la majorité de ceux-ci est endormie et lovée dans l’imbroglio de ses passions et de son ignorance. Cependant, un regain de calme dans le flux de nos préoccupations passionnelles, peut nous inciter à entendre l’appel qui monte des profondeurs de notre être, et souvent ce n’est pas la logique ou la raison qui détermine cette inclination.
Pascal Ruga. Au temps des anges. Edition Etre libre. 1976
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