Le désert et l’illusion
Une goutte d’eau rejetée par l’agitation de la mer,
En plein hiver, tomba dans le désert.
Devenue glace par la rigueur du froid,
Elle crut vivre une existence indépendante.
Et cependant, par chacun, en tout lieu,
Elle entendait parler de la mer.
Elle pensa trouver, dans la rosée et dans la pluie,
La preuve de l’existence de cet océan.
Or, malgré les affirmations de la raison,
Cent doutes se dissimulaient dans son âme.
Oui, dans le désert pierreux de l’illusion et de l’imagination,
Nul ne s’est jamais sauvé par la déduction.
Le philosophe, sa vie durant, prend pour bases
de son savoir la réflexion et le raisonnement ;
Sur la paume de sa main, pour tout peser,
Il n’a d’autre étalon que les règles de sa propre logique.
Non plus que pour distinguer le vrai du faux.
Le fécond du stérile.
Que de sciences et d’arts.
N’a-t-il assimilés suivant de telles méthodes !
Il imagine avoir échappé aux théories ;
Il n’a noué, dans son paquet, que certitudes ;
Et pourtant, lorsqu’il ouvre sa besace,
il n’en sort d’autre marchandise que celle des hypothèses.
Djâmi. Poésie persane. XVème siècle
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