Un Bouddha nommé Covid

Il y a urgence.
Il y a urgence d’abord parce que je suis mortel.
Et il y a urgence quand le monde dans lequel je vis m’ordonne d’obéir à des principes qui, bien que les ayant admis, m’exclut de mes facultés de choix et de compréhension.
Il y a urgence dans le monde quand je me fais complice involontaire d’une société hostile et menaçante qui privilégie l’intérêt d’un bien être collectif au détriment du développement personnel alors même qu’il m’offre tout à portée de clics.
Il y a urgence à reconnaître que le monde n’est que division, domination, dépendance et désertion.

Mais il n’y a pas de monde, seulement le monde que je perçois.

Ainsi il m’appartient de le vivre autrement qu’avec mes disfonctionnements auto justificatifs de victime, de plaintif et d’accusateur.
Car s’exclure de ce qui est, c’est se perdre.
Alors quoiqu’il arrive, de transcendant ou de tragique, c’est à un processus de conscience que cela s’adresse dont la finalité est de se libérer de l’enfer que je me construis, de se rendre libre, non par le rejet de ce qui me déplait mais par l’assimilation de ce qui me contraint.
C’est accueillir avec ouverture d’esprit et disponibilité de cœur le différent de moi qu’il soit apparemment dangereux, nuisible ou réjouissant. Toute transformation d’un état individuel à une liberté intérieure passe nécessairement par l’accueil de l’ »autre ».
Et l’on peut être libre même à l’ombre des barbelés.

Mais on n’oblige pas un lièvre à s’extraire du terrier qu’il a mis si longtemps à parfaire pour paresser confortablement dans la chaleur de son abri souterrain.
Que fera-t-il à l’annonce de la marée montante ?
S’enlisera-t-il davantage ou décidera-t-il de se sauver à l’air libre ?
Sa réponse sera-t-elle dictée par sa peur ou par sa raison ?
On préfère son coin de paradis au paradis lui-même !

Il est temps de saisir le moment opportun d’une résurrection non pas du corps mais de l’esprit qui l’habite et qui somnolait patiemment dans l’attente que son hôte le décide.
Et ce ne sont pas les éclaireurs qui manquent :
Jésus : « Qu’est-ce que l’amour ? »
Bouddha : « Qu’est-ce que la souffrance ? »
Kant : « Qu’est-ce que l’homme ? »
Ramana Maharshi « Qu’est-ce que moi ? »
Nisargadatta Maharaj « Qu’est-ce que je suis ?»
Swami Prajnanpad« Qu’est-ce que je veux ? »
Elisabeth Kubler-Ross « Quelle est ma leçon de vie ? »

Depuis l’enfance, le processus d’éducation fut un temps de passage d’une fusion maternelle à une forme d’autonomie personnelle sur laquelle s’est greffée une identité individuelle, c’est-à-dire un ego, un « moi », imaginaire, rêvé et idéal.
Un chemin de vie se prolongera selon les désirs de chacun en distinguant ceux qui élèvent de ceux qui restreignent ; ceux qui recyclent les identifications de ceux qui les purifient.
Et ce sont justement les relations entretenues avec « ce monde » qui révèleront le niveau de détachement.

Ainsi je comprends ce qui m’est « extérieur » comme le reflet de ma propre relation à l’esprit que j’abrite. Et dans ce monde factuel que j’observe, je vois ma dépendance dans toute sa terrible splendeur et je deviens ce que je consomme : un monde enfumé par les médias qui ne véhiculent que de la peur ; une autorité qui formate ses sujets en algorithmes comme un surmoi qui légifère et infantilise; une communication paradoxale et culpabilisante qui sidère avant de paralyser ; une société de distractions abêtissantes qui berce par son évangélisme bon enfant.
Chaque homme retourne ainsi dans sa case par son volontaire esclavagisme et d’une fusion maternelle initiale je suis enseveli de confusions existentielles. Je camouffle mes conflits d’intérêts avec cet ego et demeure confiné en lui obéissant.
Un discours de muets ne peut qu’engendrer un dialogue de sourds !

Dans ce monde dévitalisé où la police de la pensée séparatrice opère et la dictature de l’émotion opprime, fidèle à son pervers idéal du moi, il est temps de se découvrir en toute honnêteté, de démasquer ses personnages, de déshabiller ses habitudes.
Il n’y avait que le roi qui ne savait pas qu’il était nu !
La loi de la vie étant ainsi faite : qui n’avance pas, recule et qui ne pense pas, régresse, de la même manière qu’une graine semée germe ou pourrit.
Alors, au cadran du temps qui passe, quelle peur peut-il être ?
L’ego s’attend (Satan) à récupérer dans le factuel ce qui va le régénérer préservant ainsi l’illusion de sa consistance. Alors que sans lui, véritablement, je serai inclus dans la complétude.
Alors jusqu’à quand, encore et encore, vais-je alimenter cette peur, moteur de l’ego car si tu ne sais pas qui tu es, alors qui le saura ?

Patrick Giles