Mélodie médicinale

En ces temps d’automne qui tonnent ma détresse,
Je suis seul, dans un monde étranger,
Je suis seul en-dedans d’un monde étrange.

Face à la fadeur des jours qui se succèdent,
Je me fais la proie docile de mes tourments.

Me serai-je évincé de moi-même,
La plainte comme un baume
Avant l’embaumement de mon être ?
Et bien que la vie ne connaisse pas l’immobilisme,
Je me cristallise par mes retranchements.
Non-sens d’une condition inhumaine qui m’étourdit.

J’ai en moi tant de larmes si lourdes à porter
Que je me noie de l’intérieur,
Ce qui m’enferme n’étant que le reflet de ma confusion.
S’incarner c’est recouvrir d’un linceul l’invisible d’où je viens.
Et vivre, c’est surtout survivre et s’ignorer.

On s’égare dans le monde si on n’y prend pas garde.
Mais il faut d’abord s’appartenir si l’on veut pouvoir se déprendre.
Et je ne peux lâcher-prise qu’en voyant ce qui me retient.

A la distribution de mes rôles mélodramatiques,
J’alterne le bourreau, le sauveur et la victime,
Le metteur en scène, le décorateur et le costumier.
En toutes mes identifications, je prends refuge
Sous la gouvernance de l’inquisiteur,
Du dictateur,
De l’hypnotiseur,
De l’usurpateur
Que j’appelle « moi ».

Et pourtant un déclencheur peut-il advenir
Autrement que de l’intérieur ?
Voilà une contradiction que j’assume.

Une parole intelligente au cœur silencieux
Doublée de la douceur d’une main posée sur mon épaule
Sont aussi un secours pour mon esprit.

Je crois savoir alors que j’ignore ce qui sait en moi.
Alors je fais le deuil de ce qui a fait défaut dans l’enfance,
Les murs mûrs tombent comme des murmures.
Reconnaître ce qui a été
M’a conduit à ce que je suis
Sans plus de réticence, de rancœur ni de ressentiment,
M’a fait comprendre qu’il n’est plus nécessaire de repasser
Par les chemins de survivance que je n’avais cessé de recycler.
Une trajectoire nouvelle survient, prête à être suivie.

Aux larmes de fond de mon angoisse
Des lames de joie refont surface.

Quand la lune s’éclaire et que le soleil s’éteint
Que les arbres à moitié nus frissonnent,
J’émerge lentement de cette plongée dans l’espace,
J’apprends à m’apprivoiser moi-même,
Et à ne faire confiance qu’à ce dont je fais l’expérience.
Car il n’est pas de sécurité ailleurs que là où sont mes pas.

 

C’est parce que tu as replié tes ailes sur ton visage
Que le monde entier t’apparaît sombre.
Alors ouvre ton cœur,
Éclaire tes peurs
Et fais ce qui est bon pour toi.
C’est par l’amour de l’intime, du proche et du bon
Que la fuite dans l’imaginaire est une suite de résiliences,
Aussi profite de vivre afin de poursuivre ton apprentissage.

Nous sommes tous les fils de cette Vie
Reliés imperceptiblement les uns avec les autres,
Tissage métissé à bord du vaisseau terrestre
Vers une destination moins obscure à présent,
Car vient le printemps.

Patrick Giles