Sagesse de Maître Eckhart
- Toute la plénitude réside en cela : que l’on accepte la pauvreté et la misère et l’outrage et l’adversité et tout ce qui peut arriver d’opprimant, et qu’on veuille bien le souffrir, joyeusement, délibérément volontiers et promptement et impassiblement, et de rester ainsi jusqu’à la mort sans aucun pourquoi.
- Celui qui est toujours seul est digne de Dieu, et Dieu est toujours présent pour qui demeure toujours dans le soi, et pour qui se tient toujours dans un éternel présent, Dieu le Père enfante sans cesse son Fils en lui.
- Il y a des gens sur terre qui enfante Notre Seigneur selon l’esprit, de la même façon que sa mère l’enfanta selon le corps. Ils sont libres des choses et contemplent le miroir de la vérité et y sont parvenus sans le savoir ; ils sont sur terre, mais leur demeure est dans le ciel, et ils sont établis dans le repos : ils s’en vont comme les petits enfants.
- Comment parvient-on à la pureté ? En gémissant sans cesse vers le bien unique que Dieu est. Et comment parvient-on à ce gémissement ? En s’anéantissement soi-même et ne trouvant que déplaisir en toutes les créatures, et cela, ton propre savoir te l’enseigne, parce que toutes les créatures sont un néant et deviendront néant avec gémissement et amertume.
- C’est pourquoi ne vous occupez pas de petites choses, car vous n’êtes pas créés pour rien de petit : car l’honneur du monde n’est qu’un accident de la vérité et un égarement pour la béatitude.
- Dieu est bien plus prompt à déverser en l’homme sa grâce divine que l’homme n’est prêt à la recevoir, et nous ne trouvons pas de défaut en Dieu, je dis plus : le défaut est entièrement en nous, parce que nous ne nous préparons pas à être réceptifs à la grâce.
- Nous devons obtenir que nous n’ayons pas à prier Dieu qu’il nous donne sa grâce et sa bonté divines. Je dis plus : nous devons obtenir de les prendre nous-mêmes et de ne rien lui demander à ce propos. Car Dieu s’écoule avec son flux divin…
- L’homme doit abandonner toutes choses en sorte qu’il ne garde rien que l’être un du Fils. Cela paraît grand mais ça ne l’est pas. Dieu exige de nous quelque chose de léger, Dieu nous ordonne de laisser le néant.
- Qu’est-ce qu’un homme pauvre ? Cela tient à trois choses. L’une est d’être mort à toutes choses naturelles. L’autre, de ne pas désirer trop de biens. La troisième est de n’accorder à personne plus volontiers qu’à soi-même tout ce qui s’appelle et est souffrance.
Maître Eckhart. Aphorismes et légendes. Rivages poche. 2006
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