Prière de Shakespeare

Seigneur de mon amour, auquel en vasselage
Ton mérite a si fort mes devoirs asservi,
Je dépêche vers toi ces lignes comme gage
De mes devoirs, et non pour afficher mon esprit :
Devoirs si grands qu’esprit come le mien, stérile,
Manque à trouver les mots qui les puissent parer ;
Mais j’espère en ton cœur que quelque trait habile
Saura les enrichir, couvrant leur nudité.
Quand l’astre, quel qu’il soit, qui pour me guider brille,
Me touchant de sa grâce, embellira mes traits
Et, vêtant d’apparat mon amour en guenille,
D’un service si doux me fera signe assez,
Combien je t’aime, alors, j’oserai proclamer,
Mais te fuis, jusque-là, craignant d’être éprouvé.

Shakespeare. Lettres à Dieu. Philippe Capelle. Seuil. 2008