Weil. Pensées sans ordre
Comme le soleil est à l’image de Dieu, de même la sève végétale qui capte l’énergie solaire, qui fait monter les plantes et le arbres tout droit contre la pesanteur, qui s’offre à nous pour être broyée et détruite en nous et entretenir notre vie, cette sève est une image du Fils, du Médiateur. Tout le travail du cultivateur consiste à servir cette image.
Il faut qu’une telle poésie entoure le travail des champs d’une lumière d’éternité. Autrement il est d’une monotonie qui conduirait facilement à l’abrutissement, au désespoir ou à la recherche des satisfactions les plus grossières ; car le manque de finalité qui est le malheur de toute condition humaine s’y montre trop visiblement. L’homme s’épuise au travail pour manger, il mange pour avoir la force de travailler, et après un an de peine tout est exactement comme au point de départ. Il travaille en cercle. La monotonie n’est supportable à l’homme que par un éclairage divin. Mais par cette raison même une vie monotone est bien plus favorable au salut.
Simone Weil. Pensées sans ordre. Folio. 2019
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