Sagesse de Porchia

  • Ma pauvreté n’est pas totale : moi-même y manque.
  • Si tu ne lèves pas les yeux, tu croiras que tu es le point le plus haut.
  • Mon Dieu, je n’ai presque jamais cru en toi, mais je t’ai toujours aimé.
  • Qui pardonne tout a dû tout se pardonner.
  • Beaucoup de ce que j’ai cessé de faire en moi continue, seul, de se faire en moi.
  • Dormant, je rêve ce qu’éveillé je rêve. Et mon rêve est continu.
  • Les hauteurs guident, mais dans les hauteurs.
  • Tu trouveras la distance qui te sépare d’eux, en t’unissant à eux.
  • Cent hommes, ensemble, sont le centième d’un homme.
  • Tu crois que tu me tues. Je crois que tu te suicides.
  • Le lointain, le très lointain, le plus lointain, je ne l’ai trouvé qu’en mon sang.
  • Qui dit la vérité, ne dit presque rien.
  • Ma pesanteur vient des gouffres.
  • Oui, j’essaierai d’être. Car je crois que c’est orgueil de n’être pas.
  • Quand je crois que la pierre est pierre, que le nuage est nuage, je suis en état d’inconscience.
  • Oui, les étoiles sont millions. Et millions d’étoiles deux yeux qui les regardent.
  • La fleur que tu as dans les mains est née aujourd’hui, et elle a déjà ton âge.
  • L’homme, quand il se plaint, c’est à peine s’il existe.
  • On dira que tu vas par un chemin d’erreur, si tu vas ton chemin.
  • Je suis arrivé à un pas de tout. Et là je reste, loin de tout, à un pas.
  • Regardant les nuages, j’ai vu que ma pensée n’a pas son corps dans mon corps seulement.
  • Nous percevons le vide en le remplissant.
  • Aller droit abrège les distances, et aussi la vie.
  • Tout le créé est seulement ce que tu peux créer avec tout le créé.
  • En pleine lumière, nous ne sommes pas même une ombre.
  • L’arbre est seul, le nuage est seul. Tout est seul quand je suis seul.
  • Cent années meurent en un instant, tout comme un instant en un instant.
  • Parfois, la nuit, j’allume une lumière pour ne pas voir.
  • Si tu n’as pas à changer de route, pourquoi changer de guide ?
  • Je suis si peu en moi, que ce qu’on fait de moi est presque sans intérêt pour moi.
  • On atteint les certitudes qu’à pied.
  • Toute chose existe par le vide qui l’entoure.
  • Ce que je t’ai donné, je le sais. Ce que tu as reçu, je l’ignore.
  • Je suis un habitant, mais d’où ?
  • Le profond, vu avec profondeur, est surface.
  • J’ai voulu atteindre le droit par des chemins droits. Et j’ai commencé d’être dans l’erreur.
  • Depuis que moi seul sais ce qui m’arrive, il ne m’arrive rien.
  • L’homme voudrait être un dieu, sans la croix.
  • La peur de la séparation est tout ce qui unit.
  • Ce que tu fais n’est pas ce que tu crois que tu fais.
  • Au dernier instant, toute ma vie durera cet instant.
  • Qui monte échelon par échelon, se trouve toujours à la hauteur d’un échelon.
  • Que chacun porte sa faute et il n’y aura pas de coupables.
  • Le soleil illumine la nuit, il ne la change pas en lumière.
  • J’ai été pour moi, disciple et maître. Un bon disciple, mais un mauvais maître.
  • Je vais perdant le désir de ce que je cherche, en cherchant ce que je désire.
  • Une lumière qui éclaire beaucoup de chemins, n’éclaire pas un chemin.
  • Et s’il n’y a rien qui soit égal à la pensée et rien sans la pensée, ou la pensée est seulement pensée ou la pensée est tout.
  • Ma voix me dit : « Ainsi est tout ». Et l’écho de ma voix me dit : « Ainsi es-tu ».
  • La condamnation d’une erreur est une autre erreur.
  • Me dit que je suis un aveugle, ce que je vois.
  • Quand je ne vais par les nuages, je vais comme perdu.
  • Ma soif est reconnaissante d’un verre d’eau, non d’une mer.
  • Pour me libérer de ce que je vis, je vis.
  • J’ai perdu doublement, car j’ai aussi gagné.
  • Qui fait un paradis de son pain, fait un enfer de sa faim.
  • Si tu aimes le soleil qui t’éclaire, peut-être que tu aimes, et si tu aimes l’insecte qui te mord, tu aimes.
  • Savoir mourir coûte la vie.
  • J’ai commencé ma comédie, son unique acteur et je la termine, son unique spectateur.
  • Dans le songe éternel, l’éternité est comme un instant. Peut-être reviendrai-je dans un instant.
  • Le rêve qui ne se nourrit pas de rêve disparaît.
  • Les distances n’ont rien fait. Tout est ici.
  • Tu blesses et blesseras encore. Parce que tu blesses et t’écartes. Tu n’accompagnes pas la blessure.
  • La foi, quand elle se perd, se perd par où elle naît.
  • Quand on comprend qu’on est fils de ses croyances, on perd ses croyances.

Antonio Porchia. Voix. Fayard. 1979