Gori. Un monde sans esprit
Nul ne peut se prétendre indemne de la jouissance à détruire et à anéantir. Cette pulsion est à l’œuvre jusque dans la culture et la création. Vivre créativement consiste à créer le monde, à refuser la simple soumission et adaptation à ses exigences. Comment permettre à cette violence inhérente à notre humaine condition de s’exprimer sans nous conduire au nihilisme du massacre universel ou de la chosification marchande ? Comment opérer cette substitution de la victime par laquelle s’ouvre le règne du symbolique et se clôt l’empire de la terreur ?
La première condition empirique repose sur notre capacité à reconnaître l’existence d’autrui. De reconnaître l’existence d’autrui comme condition à ma propre existence. Reconnaître ainsi la substance sociale de ma vie intérieure sans laquelle le désert qui m’entoure ne serait plus que l’image dans le miroir duquel je rencontre mon propre anéantissement intérieur. La désolation intime accompagne l’esseulement social. Il faut des nourritures mentales et affectives pour continuer à vivre. Ce qui requiert des formes d’activités humaines, sociales et subjectives, qui permettent de transmettre à autrui une expérience sensible, des sentiments et des manières de penser, par le moyen de symboles.
Roland Gori. Un monde sans esprit. Babel. 2018
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