Du tout à l’égo au Tout uni vers
Du tout à l’égo au Tout uni vers.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Lavoisier
Toute connaissance de soi commence, sans aucun doute, par savoir pour qui je me prends !
Face au « moi » psychologique, concret, structurel sans quoi je ne serais pas, il y a des « moi » surajoutés, fabriqués sur le terrain de mes drames et de mes frustrations.
C’est avec ces « moi » rêvés et imaginaires que je m’identifie par inadvertance (c’est-à-dire avec mon consentement inconscient), dans le sombre et coûteux espoir de ressentir un assouvissement durable. Puis j’en fais un idéal de « moi » auquel je veux correspondre. C’est : « Moi, moi, moi d’abord ». C’est « moi » sans autrui ni altérité.
Cet idéal de « moi », qui n’est qu’une illusion que je crois pouvoir parfaire, m’aliène et me terrorise car je ne suis plus un « moi » qui agit, je deviens ce « moi » qui réclame. Et c’est alors sur la demeure d’un « moi » naturel que j’édifie une forteresse de plus.
L’ego est cette copie imparfaite, infidèle et fallacieuse de ce que je suis intimement.
Que s’est-il produit pour que je m’identifie à cette part de mon être qui brade mon bonheur à l’autel de la séparation car je me suis ainsi distancier de moi-même ? C’est l’illusion d’une toute puissance. Toute puissance vraisemblablement infantile comme si en fermant les yeux, on devenait invisible.
Ultimement je suis dieu à la place de Dieu et je fais ce que je veux !
Mais si je vais quémander auprès d’un arbre qu’il vienne me saluer en lui disant :
« O arbre, viens à mes pieds reconnaître ma toute puissance » qui est le plus ridicule ? Un moine solitaire méditant depuis sa cellule et priant pour ses frères humains m’est plus proche que moi et cet idéal de moi car il parle à mon cœur.
Mon malheur vient de ce que je me prends pour moi en endossant toute une panoplie de costumes sur mesure taillés à l’effigie de ma prétendue grandeur d’âme.
L’ego face au monde a un appétit d’ogre qui donne consistance au vide qui le caractérise tant que je reste attaché au manque qu’il représente. Ainsi je me trompe de cible en préférant obéir à ses pulsions plutôt que de le voir sans le suivre. C’est une machine à laver le cerveau qui m’use. Mais le monde aussi est un mensonge parce qu’un « songe ment ». Je me prenais pour le roi d’un monde rêvé et je ne suis que le valet d’un enfer que j’ai construit, face au conditionnement génétique d’où je suis issu, au modèle parental dont je suis imprégné, au formatage éducatif que j’ai suivi, au mimétisme social que j’ai recopié. L’état et l’entreprise, la loi et l’argent sont devenus mes nouveaux père et mère par substitution.
Qu’est-ce que « moi » dans toute cette histoire qui s’origine depuis le Big Bang ?
A quoi reconnaîtrais-je que je me suis laissé comme possédé par l’ego ? Tout simplement en identifiant ses pièges éculés dans mon monologue intérieur : l’évitement, la généralisation, la banalisation, l’idolâtrie, l’autosatisfaction, le déni, la mystification, la comparaison, le jugement, la prétention, la séparation, le contrôle, la culpabilisation, la sécurisation, la confusion… Les labyrinthes de l’ego ne sont que des châteaux de sable échafaudés sur la mer. Aussi chercher un chemin de secours en le balisant à l’avance pour s’éviter tout imprévu, est-ce vraiment s’ouvrir à une possible renaissance ?
Nous voulons que notre ego soit libre, nous ne désirons pas être libres de l’ego.
Combattre l’ego serait encore un aveu de défaite car toute lutte intérieure ne peut être que stérile. Ce ne peut être que par une intelligence qui écoute et une bienveillance qui accompagne que les peurs et appréhensions de toutes sortes seront traversées consciemment pour être redirigées vers le droit chemin.
C’est voir ses opinions avec un esprit critique, c’est contacter ses émotions par une expression ouverte et c’est sentir son corps dans une écoute libre.
Lorsque tu compartimentes ta vie, demande-toi qui est aux manettes de la locomotive ?
La vie est un puzzle dont il t’appartient de ressembler au motif plutôt que de te rassembler en quelques morceaux. Et même accueillir ce qui vient serait encore une forme de détournement par ce « moi » qui dit qu’il accueille. Il ne s’agit plus d’accueillir mais de se laisser cueillir, ne plus être celui qui fait, mais celui qui est agi comme l’enseigne les vertus du Tao.
Tu vis dans ton corps ce que ta tête ignore. N’est-il pas venu le temps d’une réconciliation ? A quoi te serviront d’avoir lu tous les manuels de natation quand tu plongeras dans l’océan ? Rencontrer son intériorité en se réappropriant ses pensées et perceptions projetées à l’extérieur, voilà un remède qui guérit.
Alors il n’y aura plus qu’espace de contemplation, de contentement et de tranquillité.
C’est toi le décideur : donner à manger à l’ogre ou rendre l’ego stérile par manque d’alimentation. C’est toi qui définis ta grille de lecture et d’interprétation sans t’enfermer derrière des barreaux de concepts. Le corps sait au-delà du corset du mental !
Et selon ta croyance, tu programmeras ton avenir.
Le corps, cet incroyable laboratoire bactériologique, cette centrale nucléaire, cet athanor, cet écosystème qui oscille entre manifestation, préservation et transsubstantiation, bref entre mort et renaissance. C’est toujours de toi dont il s’agit. Et ce « tu » que j’interpelle n’est autre qu’un « moi » reflété que je tente d’apprivoiser.
A la manière de Pénélope qui tissait le jour ce qu’elle détricotait la nuit dans l’attente de son bien aimé, c’est avec la patience que je deviens élagueur d’ego, lui qui ne cesse de me « repousser » ; c’est avec la confiance du jeune enfant qui prend le risque de marcher sans savoir où le conduiront ses pas, que je me permets de faire l’expérience de la vie.
En effet si je ne m’autorise pas à vivre, je m’ensevelirais vivant. Ou bien je m’enquerrais d’un autre chemin, d’un autre maître. A vouloir l’imiter je deviendrai limité !
Dans cet organisme que j’appelle « moi », corps-cœur-conscience ensemble, unique, individuel, spécifique où s’interpénètrent toutes les énergies tant cosmiques que microscopiques, l’esprit voyage et laisse la trace de son passage comme une voix intérieure qui ne soliloque plus. Comme une bougie témoigne de la présence de la lumière.
A l’enfant intérieur, symbole actif de celui qui a été abîmé, meurtri, violenté dans son jeune temps et qui a grandi malgré tout, succède l’adulte intérieur d’aujourd’hui qui l’a pris en charge avec compréhension, écoute et soin.
C’est passer de la blessure qui assombrit à la réparation qui revitalise par le courage de changer sans attente, l’honnêteté de se regarder sans mensonges et le désir de se découvrir avec curiosité.
C’est enfin dépoussiérer ces vieux systèmes de défense et ces anciens schémas rationnels.
A l’ère du presque tout virtuel, de l’ingénierie sociale, du nudge, du tittytainment, du gaslighting ou du storytelling, autrement dit au cœur d’une manipulation dont je me fais la proie volontaire, la grande question humaine, de l’ordre de celle qui peut résumer une existence, est de voir où je me situe entre soigner mon ego ou guérir mon esprit.
Et l’un ne va pas sans l’autre : c’est parce que j’ai un ego solide que je peux entreprendre une déconstruction sans risquer de me détruire.
Aussi, quelques soient les thérapies employées pour dépasser les causes de mes traumas, de mes angoisses et de mes malaises puisque je ne peux suivre aucune autre destinée salutaire qui ne débute par elle (le fameux « Tiers inclus »), un seuil de transcendance sera franchi qui m’amènera non plus seulement vers ce vivre mieux avec moi-même mais surtout vers cet être qui m’habite et que je réalise.
Au parcours thérapeutique s’ensuit un chemin spirituel comme un affluent se jette dans la rivière qui rejoint le fleuve pour s’émanciper vers l’océan.
C’est un art de vivre pour soi-même et avec ses semblables.
C’est une appréciation complète de l’ordinaire.
Je suis véritablement moi quand j’oublie que je suis « moi ».
Ah ! vivre l’impuissance totale d’être simplement ce que je suis et m’y soumettre, voilà la sérénité parfaite d’exprimer « qu’il y a » parce que cela « est ».
Si tu es déprimé, lève la tête et contemple les nuages. Ce qu’ils ont à te dire est bien plus précieux. Ils te diront ce mot qui disparaît dès qu’il est prononcé : silence.
L’ego ne supporte pas le silence, l’être-là, ce rien qui est tout, alors donne-le-lui, lui qui se satisfait pauvrement du goût de la pomme tandis que la conscience englobe la splendeur du pommier et que l’Esprit, Lui, connait l’espace qui les nourrit.
Et puis n’oublie pas qu’aujourd’hui, est le premier jour du reste de ta vie.
Patrick Giles
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