Nietzsche. Ainsi parlait…

Quand je suis en haut je me trouve toujours seul. Personne ne me parle, le froid de la solitude me fait trembler. Qu’est-ce que je veux donc dans les hauteurs ? Mon mépris et mon désir grandissent ensemble ; plus je m’élève, plus je méprise celui qui s’élève. Que veut-il donc dans les hauteurs ? Comme j’ai honte de ma montée et de mes faux pas ! Comme je ris de mon souffle haletant ! Comme je hais celui qui prend son vol ! Comme je suis fatigué lorsque je suis dans les hauteurs !

Alors le jeune homme se tut. Et Zarathoustra regarda l’arbre près duquel ils étaient debout et il parla ainsi : «Cet arbre s’élève seul sur la montagne ; il a grandi bien au-dessus des hommes et des bêtes. Et s’il voulait parler, personne ne pourrait le comprendre : tant il a grandi. Dès lors il attend et il ne cesse d’attendre, – quoi donc ? Il habite trop près du siège des nuages : il attend peut-être le premier coup de foudre ? ».

Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra. 1972