Le clou de “la société de spectacle”.
Le clou de « la société de spectacle.[1] »
« Quand on a qu’un marteau, tous les problèmes deviennent des clous. »
Abraham Maslow
« S’empêcher de vivre par peur de mourir. »
Slogan covidien de 2021
Maintenant, voilà la dernière couche de mascarade que je ponce à la toile émeri de ma réflexion car quand « je ponce, donc j’essuie. [2] »
Que faire dans cet apparent nouveau monde s’exilant de son Histoire, où la beauté déserte l’intériorité pour ressembler aux poupées Barbie, où l’inculture devient signe d’intelligence parce que soi-disant vierge de tout formatage, où le désordre mental et « la confusion des sentiments [3] » règnent en maîtres des consciences (ou de ce qu’il en reste !) et enfin où les désirs sont des ordres et non plus un cap à suivre ?
Que peut-il advenir d’une existence consacrée exclusivement à l’édification de son « moi » dans l’ignorance de ses mécanismes et de son origine ?
L’oubli (voire le déni) de soi peut-il conduire à une forme de béatitude ?
A chacun d’apporter sa réponse par son expérience, s’il n’est pas trop tard (la rupture schizophrénique entre moi et le monde étant déjà bien entamée).
N’est-ce pas se mentir à soi-même que de vouloir correspondre à une pensée unique, un monde binaire s’atrophiant de toute recherche personnelle ?
Après avoir introjecté une éducation parentale, des loyautés inconscientes et transgénérationnelles ne cessent de nous parcourir à notre insu pour le meilleur, lorsqu’il est conscient, ou pour le pire, par des processus inconscients, en tout cas pour la nécessité de ce que nous sommes devenus.
Ces limites de l’enfance ont été des repères constructeurs. Et c’est nous qui en avons fait des limitations. « L’enfer, c’est moi [4] » et ma croyance que je suis exceptionnel, particulier, spécial, original et différent des autres. Ceci dit je n’en demeure pas moins unique par nature et consanguin par origine.
La matrice du conformisme n’a rien de confortable, après un sérieux examen de conscience. La chaleur du troupeau n’empêche pas la frigidité au cerveau. Assez de la sérénade répétitive du « Moi, moi, moi et re-moi », cette représentation de moi qui se donne en spectacle ou en pâture.
Suivre le troupeau, c’est abdiquer son pouvoir de conscience et anesthésier sa capacité d’action. C’est comme si, au bord de la tornade, le noyé n’appelait pas à l’aide afin de préserver son orgueil.
N’oublie pas que dans orgueil, il y a ego !
« L’ego, c’est le diable qui se promène incognito. [5] »
Le prêt-à-penser de la culture et le prémâché des médias donne des grains à moudre qui affament au lieu d’être matière à réflexion. Eh oui, les vrais penseurs sont en apesanteur parce qu’on ne peut les retenir tandis que les censeurs sont dans l’ascenseur parce qu’ils ne te laissent plus le temps de réfléchir.
Etre adulte, c’est ne plus attendre que les choses viennent à soi comme au temps du sein maternel qu’il suffisait d’hurler, dans le meilleur des cas. Assez de « biberonnage » d’ego !
Est-ce que tu veux apprendre à changer ?
Si oui, alors commence par changer ta façon d’apprendre puisqu’elle ne t’a pas apportée, jusqu’à maintenant, de changement !
Orientes-tu ton existence vers une autonomie qui reconnaît l’interdépendance des êtres et des choses ou recycles-la-tu vers une autarcie synonyme d’involution ? Car si je ne doute pas que je vis, je puis remettre en cause son « Pour quoi ? » dans un monde, fruit de ma perception où je veux la guerre ou la paix selon mon niveau d’expérience.
Tout l’ego sont dans la nature !
Naître, c’est se séparer de la Source. Vivre, c’est vouloir la retrouver.
Mais seul un ego progresse : une voie spirituelle dénude jusqu’à l’invisible toutes les prétentions mentales dont on la recouvre. Il n’est plus à propos [6] ni de rêver sa vie ni de vivre son rêve, il s’agit de vivre sa vie humainement en faisant table rase du passé, non pas en l’annihilant (ce qui renforcerait son action inconsciente) mais en le mettant à plat pour l’étudier et en comprendre la dynamique.
Car si tu ne parviens pas à remettre en question toute ta structure, comment peut-il être possible de connaître « qui tu es » ? Ce « Qui tu es » étant la somme de tout ce qui t’a conçu et précédé.
Face à toute complexité à venir, il n’est que trois attitudes envisageables : l’opposition, la bifurcation ou la traversée laquelle traversée n’adviendra que par la pleine acceptation à vivre ce qui est entrain de se vivre, ni plus, ni moins. Et à de probables contradictions personnelles, il n’est qu’à les assumer parce qu’elles sont tiennes et qu’elles participent aussi à l’équilibre de ta constitution. C’est en cela que la perfection est de ce monde en ce sens que tu corresponds exactement à la place, au lieu et à l’instant où tu es puisqu’il n’en est pas autrement.
Tu ne reçois qu’en fonction de ce que tu demandes. Et si tu ne demandes rien, qu’espères-tu rencontrer ?
As-tu découvert ou appris quelque chose sur toi-même aujourd’hui ?
Si rien de neuf n’est apparu sous ton soleil, il est à craindre pour toi une vie faite seulement d’alternance entre plaisirs et souffrances jusqu’à être accablé par l’épuisement. A moins qu’un déclic ne survienne, qu’une goutte d’eau ne fasse déborder « la vase » où tu te trouves ou qu’un pavé sur le chemin ne fasse trébucher ta léthargie ?
Se désengluer de l’ego, voilà en quoi une existence peut suffire.
Je ne souhaite qu’apporter de l’eau à ton autre moulin, un moulin de vie, celui qui n’est pas rivé à ton pilotage automatique. Et si l’intransigeant en moi s’impatiente de ta renaissance, l’indulgent en moi tente de comprendre qu’il ne peut en être autrement au vu de ta structuration humaine.
Mais c’est toujours de soi qu’il s’agit quand on parle d’un autre et les projections que je fais sur toi rebondissent comme sur un miroir pour m’instruire également.
J’en suis à ce palier d’élucidation qui entrevoit que nous sommes chacun avec nos équilibres instables pris dans des processus plus ou moins dynamiques face au Mystère d’être vivant parmi la Vie une fois que le feu de l’Esprit a réduit en cendres toutes les aspirations, les prétentions et les croyances qui faisaient de notre monde une réalité.
De la croyance à la conscience en passant par la conviction, animé du désir d’être soi et de la nécessité de l’être en soi, par le don de vivre, le don de respirer et le don de penser, soyons les défricheurs de nos terres intimes face aux tricheurs que sont nos résistances, nos peurs et nos dépendances. Une peur qui ne peut survivre que par l’énergie qu’on lui insuffle et qui, mise en balance avec notre désir d’accomplissement, s’allège jusqu’à s’évaporer.
« O ! Homme,
Je veux pousser mon premier cri comme on soupire
Par mes écrits qui m’inspirent :
Qu’as-tu fait de ton intelligence ?
Alors sors de tes enclaves, déposes tes enclumes,
Ne sois plus esclave et prends la plume.
De croque-mort, deviens « croque-vie » !
Yalla, Inch’Allah, Alléluia, Dharma. Ramène-toi.
Le voyage vient de commencer. »
Et pour ne pas risquer de devenir marteau, à chacun sa boîte à outils, sa boîte crânienne et sa boîte de Pandore.
Désormais je ne traverse plus dans les passages cloutés et j’ai mis au clou mes fausses valeurs. Je ne serai plus un « crucifié de la société [7] » sur l’autel du fric-frac d’une ploutocratie vampirisant mon intégrité et mon imaginaire.
« Je ne suis pas un numéro. Je suis un homme libre. [8] »
Patrick Giles
[1] Guy Debord. Folio. 2018
[2] « Je pense donc je suis. » Descartes
[3] Livre de Stefan Zweig
[4] « L’enfer, c’est les autres. » Sartre
[5] « Hasard, c’est Dieu qui se promène incognito. » Einstein
[6] « Vivre à propos. » Montaigne
[7] Van Gogh, le suicidé de la société. » Antonin Arthaud
[8] Série télévisée « Le prisonnier »
Commentaires récents