Juan Ramón Jiménez. Matins

Lit emprunté

Dur, sec, fatidique matin,
qui me réveille par ta véhémence
aigre du concert d’innocence
splendeur du fond de ma nuit souveraine,

trouble remous d’humaine peine,
de conscience éblouie et sordide,
trop lente à prendre place en la patience
de cette grotesque farce quotidienne!

Ô matin, dors encore et laisse que le jour
aille s’accoutumant, au fil des heures,
à la pensée de cette vie si triste!

Et que s’éveille ma mélancolie
en paix tranquille -unique aurore! –
enveloppant dans l’or ce qui existe.

Juan Ramón Jiménez. Sonnets spirituels. Traduction Bernard Sesé. Aubier. 1992