Kokinshu. Chant de printemps

Chant triste
du coucou,
Iris du début d’été,
sans savoir pourquoi
me voici amoureux.

Là-bas
où se perd l’écume des vagues,
le navire, lui au moins, va
selon le vent
qui le guide.

Ah ! Notre monde
est fait ainsi,
comme le vent qui souffle
mes yeux ne vous voient pas.
De vous je languis.

Je l’ai bien aperçue,
mais je ne l’ai pas vue
mon aimée,
aussi aujourd’hui sans but
ai-je vécu, perdu dans mes pensées.

Me voir ou ne pas me voir,
n’est-ce pas sans raison
s’interroger ?
Votre sentiment seul
sera votre guide.

Mes sentiments, certes,
ne sont pas des messagers,
pourtant, comme c’est merveilleux,
ils ont conduit
mon cœur auprès de vous.

La première oie sauvage,
j’ai faiblement perçu son cri :
et depuis,
il n’est que le ciel vers quoi
puisse s’en aller mon désir !

Au crépuscule
Vers les confins des nuages
Vont mes pensées,
Car il vit au firmament
Celui qu’en mon cœur j’aime

Mon amour pour vous
N’a comblé, semble-t-il, que
Le vide du ciel :
J’ai beau y penser encore
Cela ne mène nulle part

Vous qui laissez
mon amour sans réponse, sachez
que l’écho même
de la montagne a répondu
aux soupirs que je sanglote !

Sur l’eau qui fuit
écrire est vain ; mais
combien plus vain
d’offrir à qui ne vous aime
son amour inquiet !

Je souffre en silence
car je languis de vous.
depuis le pied de la montagne
comme la lune
je sors et je viens

Sur la voie des rêves
sans me donner de répit
j’ai bien cheminé
mais un seul instant réel
n’a duré notre entrevue

Je contemple sans lassitude
les fleurs de cerisier
des montagnes perdues
dans le brouillard du printemps.
Ne ferais-je pas de même pour vous ?

Kokinshū. Xème siècle.