Majrouh. Rire avec Dieu 

C’est exactement ce qu’un Moi délié de toute préoccupation spirituelle produit au creux des âmes. Tyrannie et despotisme apparaissent. Répression et injustice règnent. Aussi les plus dangereux d’entre les êtres sont-ils ceux qui décident d’améliorer ou de « libérer » les hommes et les sociétés en provoquant des révolutions. Le Soufi, à sa manière, est un révolutionnaire, mais sa révolution est essentiellement intérieure. Elle est de nature spirituelle. Elle opère sur lui-même. Le Soufi constate que quiconque n’a pas mené à leur terme des transformations authentiques et radicales au-dedans de soi, et décrète cependant la transformation du monde alentour, n’apporte qu’un surcroît de misère et de souffrance. [ ]

Le Soufi est spontanément non conformiste. Dissident qui défend sa liberté individuelle, il nargue sans cesse le despotisme et s’en réfère à sa seule discipline. Il respecte les lois qui n’attentent pas à sa démarche. Il prie plus et mieux que les autres hommes de foi : non par ostentation, mais pour aller vers la maîtrise de soi. Jamais il ne passe compromis avec le mensonge et l’iniquité. Que la société se corrompe au point de lui interdire toute action utile à autrui, il abandonne alors la cité. Retiré au désert, il choisit, là comme ailleurs, la solitude et la liberté.

Majrouh. Rire avec Dieu. Spiritualités vivantes. 1995