Damasio. Une vie passée…

Tu postes, tu likes, t’hésites, tu swipes,
Tu twittes, tu cliques, tu scrolles, tu roules
Story-insta-notifs, tu croules
Et quand vient l’avalanche,
Tu te bouches le nez, et tu crawles !

Tu surfes sur les sites,
L’iris éteinte, rétine absente.
Tout ce que tu touches n’a pas de poils, n’a pas de peau.
T’as 50 fenêtres ouvertes mais ton cœur se referme.

Une vie passée à caresser une vitre…
Gavée d’images qui ne te prendront jamais dans leur bras,
De bombes et de bogosses trop chou
qui ne te diront jamais  » oui  » sous leurs draps.
T’as tous les sons du monde dans ton casque
mais t’entends pas ta fille quand elle te dit  » papa « .

Tu dis que tu vibres : mais c’est juste ton portable dans ta main.
Tu dis que tu vois – mais c’est la caméra qui fait la mise au point pour toi.
Tu dis que tu sais – mais tout ce que tu sais, c’est ton pote wiki qui le sait pour toi.

Au mieux, tu suis : les tutos, les tubeurs, les leaders, les recos.
T’es tellement réactif… tellement qu’en fait t’es réac.
Ta politique à toi, c’est trois likes sur une photo… De qui ? De quoi ?

Tu te crois tellement hype et fine quand tu dégaines ton phone.
Tu te crois tellement fun alors que t’es juste ce fan
Qui gobe et qui followe les flux
En boucle dans ton couple
Puisque t’es en couple… avec toi.

Au fond, tu vis dans 10 cm par 5
T’habites dans ton écran et tu cherches la bonne appli pour te faire la vaisselle.
T’ouvres le robinet et quand tu bois, l’eau a un goût de pixel.
Tu vas partout, mais tu bouges pas.

Ah ! Excuse-moi, j’avais pas compris, c’est vrai :
Tu voyages, tu voyages avec tes doigts…

Alain Damasio. Scarlett et Novak. Edition Rageot. 2021