Bobin. La présence pure
La couleur jaune monte à ses feuilles comme le rouge aux joues des timides.
Ce n’est pas seulement un arbre devant une fenêtre. C’est un conseiller que j’interroge et qui m’instruit par sa manière d’aller tout en hésitations et ruptures – vers le Très-Pur.
Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve.
La neige l’a recouvert pendant la nuit de lumière pure, comme une mère relevant un drap sur le corps de son enfant endormi.
Il y a une naissance simultanée de nos yeux et du monde, un sentiment de « première fois » où ce qui regarde et ce qui est regardé se donnent le jour.
J’aime appuyer ma main sur le tronc d’un arbre devant lequel je passe, non pour m’assurer de l’existence de l’arbre – dont je ne doute pas – mais de la mienne.
Quelques gouttes de pluie bavardent en riant à l’extrémité de ses branches, avant de sauter dans le vide.
L’arbre est un livre ouvert. Le vent d’aujourd’hui en tourne distraitement les pages comme s’il pensait à autre chose.
Moineaux, écureuils et corneilles : l’arbre reçoit un courrier chaque jour plus abondant.
Je suis né dans un monde qui commençait de ne plus vouloir entendre parler de la mort et qui est aujourd’hui parvenu à ses fins, sans comprendre qu’il s’est du coup condamné à ne plus entendre parler de la grâce.
J’ai toujours le même âge que ceux que je rencontre.
Bobin. La présence pure. Extraits. Poésie Gallimard. 2008
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