Saint-Exupéry. Des questions sans réponses

Car il m’a été donné de comprendre que tout progrès de l’homme est de découvrir, l’une après l’autre, que ses questions n’ont point de sens, car j’ai consulté mes savants et ce n’est point qu’ils aient trouvé quelques réponses aux questions de l’année dernière, Seigneur ! Mais qu’aujourd’hui les voilà qui sourient sur eux-mêmes, car la vérité leur est venue comme l’effacement d’une question.
Moi qui sait bien, Seigneur, que la sagesse ce n’est point réponse, mais guérison des vicissitudes du langage, je le connais pour ceux-là mêmes qui s’aiment et s’assoient les jambes pendantes sur le mur bas devant la plantation d’orangers, épaule contre épaules, connaissant bien qu’ils n’ont point reçu de réponse aux questions qu’ils posaient hier. Mais je connais l’amour, et c’est que nulle question n’est plus posée.
Et une à une, de contradiction dominée en contradiction dominée, je m’achemine vers le silence des questions et ainsi la béatitude.
Ô bavards ! Elles ont tellement abîmé les hommes.
Insensé qui espère la réponse de Dieu. S’Il te reçoit, s’Il guérit, c’est en effaçant tes questions de Sa main, comme la fièvre, Cela est.

Saint-Exupéry. Citadelle. Folio. 2000