Trop robot pour être vrai

 « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »
Patrick Le Lay. Ancien président du groupe TF1. 2004

Géniteurs d’une intelligence artificielle qui s’auto-perfectionne indéfiniment, les humains sont entrés dans une ère digitale peut-être en train de l’anéantir si nous n’y prenons garde. La révolution de l’Internet, quant à elle, faisant déjà partie de la préhistoire.
Formidable progrès diront certains, effroyables résultats penseront d’autres.
Une « ère » irrespirable, qui sait ?
C’en serait-il l’annonce de la fin de l’humanité, c’est-à-dire de ce qui fait sens, liens et relation réels entre nous ? Et d’une possible résurgence de l’esclavage non plus seulement économique mais aussi spirituel ?
Où passeront l’art, l’imaginaire et les rêves sans la liberté de pouvoir les exprimer ?
Car tous les outils technologiques quels qu’ils soient contiennent aussi leurs limitations et leurs hiérarchies pyramidales.
A quoi pourraient bien servir nos cerveaux désormais sacrifiés au dieu-machine, la nature humaine livrée à elle-même, exploitée par le bas et la bassesse de ses instincts primaires : l’évitement de l’effort, l’appétence à la satisfaction immédiate, le tout, tout de suite.
Une vie facile fait rarement une vie accomplie. Et on a vite oublié que « le principe de plaisir » n’abolira jamais « le principe de réalité ». L’adulte-tyran d’aujourd’hui qui impose son opinion comme vérité n’était que l’enfant-roi du passé.

Le portable est ainsi devenu notre nouveau doudou de substitution qui supplante le vide de nos existences virtuelles comme pour l’enfant, le sein maternel.
Tout réseau social dévore et vampirise nos données qui survivront à nos existences. L’homme sera ainsi un immortel numérique confiné dans sa solitude et seuls nos avatars avariés monologueront.
On se prétend tous différents alors qu’on est rendu chacun indifférencié. Le réseau est à sens unique qui va des oligarchies hors-sol aux consommateurs terre-à-terre que nous sommes. « Big brother n’est pas notre « grand frère » ! Et nous persévérons à le nourrir !
Naissance, éducation et carrière ; engramme, programme et diagramme. Le ver était déjà dans le fruit originel qui serpente à l’intérieur de nos corps. Jusqu’à quand la cervelle dans le formol numérique ?
Nous nous contentons d’être de surface et d’écrans alors que nous sommes faits de profondeur et d’écrits. L’homme ne sera plus qu’un énième palimpseste de lui-même.
Les clones feront de nous des clowns, et les robots, nos bourreaux ! « ChatGPT » aurait-il produit «  A la recherche du temps perdu » de Proust et son précieux incipit : « Longtemps je me suis couché de bonne heure. »

La paix ou la peur, à vous de choisir. Faites vos jeux. Rien ne va plus…
De toute façon, nos vies atteindront toujours les « cimes-
tières ».

« Qui me gardera de mes gardiens ? »
Juvénal. Poète romain

Patrick Giles