Lemarchand. Allons où nul n’est allé…

Cette situation d’apparent exil que nous traversons, alors qu’elle est peut-être sortie d’exil, fait se redresser l’Homme qui, aimanté par le ciel, se verticalise. Quittant la maison des savoirs institués pour aller vers lui-même, l’Homme brise les tables des lois de ce monde pour retrouver les lois ontologiques. Les lois extérieures deviennent caduques lorsque nous nous ouvrons à cette liberté extraordinaire. Accepter de ne plus rien comprendre permet de rencontrer l’Inconnaissable. Cette Rencontre se fait dans le désert où toute référence à ce qui était n’est plus.
Ainsi, les cieux, jamais deux fois les mêmes, métamorphosent le connu en une conscience totalement neuve. Nous ne sommes qu’au tout début de cette gigantesque mutation d’éblouissement de vie. Elle commence dans ce monde infiniment loin de s’y réduire.
Les voiles de l’oubli traversés, nous avons investi notre nature divine et pouvons entrer dans une formidable insufflation qui propulse dans une ère nouvelle. Comme la chenille qui prend conscience de son rêve d’Amour et se soustrait aux rumeurs terrestres. Ce n’est pas la mort, c’est la mutation. C’est une autre façon d’être, où les lois du papillon ne sont plus celles des rampants.
Notre cœur de pierre mute amoureusement en un rayon de lumière qui traverse sans bris le mur du temps. Le cœur est le secret des cieux car, impérissable et vulnérable à la fois,   il est la porte de notre éternité. L’éternité est la disparition brutale du temps, un état où rien ne dure, où tout se renouvelle sans fin. S’apercevoir qu’il n’y a plus de distance entre « soi » et son principe créateur nous embrase en l’ultime Intime de l’intime qui nourrit, purifie et transforme.
L’humain meurt et renaît en un Homme aimant, réellement présent à la Présence. Car l’Homme est promis à une haute naissance et quiconque donnera sa vie la vivra.
C’est l’expérience de l’ennoblissement de l’âme. L’Homme se lève dans la Beauté, il intègre toutes les douleurs du monde et unit le devenir Homme au devenir Divin dans une œuvre de transfiguration.
À ce point là, l’Éternel « s’encharnelle » et la chair « s’encielle ». C’est le rendez-vous de l’Invisible que l’on est, dans le moule visible que l’on a, sans discontinuité entre l’Esprit et la Matière.
À la croisée de deux désirs, celui de Dieu pour l’Homme et de l’Homme pour Dieu, notre cœur est capable de tout accueillir afin que se réalise l’Union.
Créer, c’est aimer, épouser…
La résurrection est la nouvelle création.
Personne ne peut tuer cette création.
Allons où nul n’est allé…

Frédérique Lemarchand. Revue Reflets. Été 2022