De Souzenelle. Mon testament

Les mythes parlent ce langage. Mais ils menacent toute institution qui, elle, structure l’habituel et rassure. Aujourd’hui, elle ne rassure plus, mais a tant semé le doute sur l’inhabituel que le monde désemparé a peur.
L’Homme est mangé par l’ogre de la peur au lieu de le manger et d’être dans la joie.

Mais là aussi, il nous faut distinguer entre joie et joie ; entre celle liée à un évènement extérieur, dont nous nous réjouissons sur le moment, et celle d’un état intérieur permanent, qui ne dépend plus des circonstances extérieures.
Ces deux catégories d’Hommes se présentent devant le monstre : les uns, tel Thésée, munis du Fil d’Ariane que leur ont remis leurs églises respectives, atteignent sans mal l’ennemi et tirent de leur sac la massue de cuir qu’est le courage : un courage inouï, il est vrai, mais pour tuer le mangeur d’Hommes. Et grâce au fil déroulé pour venir jusqu’à lui, ils retourneront en arrière chez eux, où ils sont fêtés comme des rois.
Mais le monstre peut aussi voir se dresser devant lui l’Homme qui se situant dans une telle intimité avec son Seigneur dégaine l’Epée d’or, l’Epée royale, celle que Thésée avait mais qu’il n’était pas devenu…

Elle est la puissance de l’amour infini qui empoigne l’adversaire et le remet entre les mains divines.

Nous avons vu ce Grand Œuvre et la brûlure qui s’ensuit. Elle fait s’envoler des cendres de l’animal, le phénix d’une connaissance et d’une sagesse nouvelles jubilatoires et enivrantes !

Sur ce chemin intérieur d’évolution de l’être, au fur et à mesure que nous montons l’échelle, le temps se raccourcit, l’espace grandit et la joie demeure.
Aussi vient un temps où il n’y a plus de temps…

Annick de Souzenelle. Va vers toi. Albin Michel. 2022