Psaume du pèlerin

Tu te dis : quand je serai libre,
quand toute inquiétude m’aura quitté,
alors j’entrerai en solitude pour faire prière !

Mais le désir toujours te poursuivra comme un chien
si tu restes dans ce monde agité :
le désir dévorera ta vie toute entière.

Finalement tu seras détruit, détruit :
ton attachement au monde te détruira,
et tu retomberas dans la fosse profonde
d’une existence nouvelle.

Ton corps n’est qu’une pâte d’illusions
qui ne te laisse aucun repos :
au-dedans comme du dehors, elles te brutalisent
et les quatre jours de ta vie passent comme un éclair.

Les heures précieuses s’en vont, stériles :
même au prix de richesses innombrables,
tu ne saurais les racheter.

Allons, réveille-toi ! Prends en main ta destinée !
Sinon, dit Toukâ, tu gémiras : « Hélas ! »

Toukârâm. Psaumes du pèlerin. Gallimard. 1989