Betty. Je regarde

Je regarde par la fenêtre en ce matin ensoleillé, je vois le jeu des ombres et
de la lumière qui se reflète sur les arbres. Le silence intérieur règne. Les
branches du gros pin découpent le ciel en une fine dentelle.

Tout est arrêté dans ma tête, ça ne discute plus, c’est la grande
tranquillité, l’inqualifiable Silence. L’énergie qui servait à expliquer, à
comprendre, à vouloir exister, à tendre vers un but, a été libérée et
naturellement récupérée par les sens du corps, intensivement, à chaque
seconde, libre de la mémoire du passé. Les besoins émotifs sont partis, ils
accaparaient l’énergie, densifiaient les scénarios qu’élaborait la pensée. Il
n’y a plus d’interférence, il n’y a plus de personnage imaginaire à justifier
dans le temps, plus de questions, plus de réponses, personne.

On ne devient pas un être éveillé, on arrête juste de rêver. C’est comme
une fleur qui s’ouvre et diffuse son parfum, elle ne se pose pas de
questions sur qui elle est et ne se demande pas si c’est satisfaisant ou pas;
elle ne cherche pas un silence imaginaire momentané,
car elle est le silence.

Il n’y a plus d’intérieur ou d’extérieur, de proche ou de loin, de haut ou de
bas; il y a juste la vie qui s’exprime dans le monde temporaire de la matière.
La vie est parfaite, précise. Je suis la vie, l’indéfinissable silence,
avant la forme, là où tout se manifeste.

Betty. Infolettre. Janvier 2020